On pourrait appeler cela le dilemme de Paul Ryan : l'incohérence qui consiste à se revendiquer à la fois d'Ayn Rand et des valeurs chrétiennes.
samedi 15 décembre 2012
Mariage gay et fiscal cliff
Jon Stewart fait remarquer (on a les références qu'on peut) que les conservateurs devraient s'enthousiasmer pour le mariage gay plutôt que de l'agiter en épouvantail. En effet, abroger le DOMA Act (cf. un post précédent sur le sujet) reviendrait à accorder des avantages fiscaux conséquents à une partie potentiellement importante de la population. Ce qui empêche les négociations sur le fiscal cliff d'avancer, c'est précisément le refus des républicains de revenir sur toute exemption ou remise d'impôt et leur volonté de maintenir des taux d'imposition aussi bas que possible ! Ils devraient donc accueillir à bras ouverts le mariage gay, qui abaisserait de facto le volume des prélèvements effectués par l'Etat fédéral.
Et l'on reparla du contrôle des armes à feu...
Sans vouloir me mêler de ce qui ne me regarde pas, il serait peut-être temps que les cinq juges conservateurs de la Cour suprême américaine se décident à renoncer à leurs jurisprudences District of Coumbia v. Heller et McDonald v. Chicago.
Honnêtement, je vois mal Antonin Scalia (qui est complètement cinglé, il faut bien le dire), Samuel "Not true" Alito ou Clarence Thomas revenir sur leurs positions. Anthony Kennedy, qui passe pour un modéré, est celui dont on peut le moins espérer qu'il change d'avis, pour des raisons qui tiennent à ses idées un peu bizarres en matière de liberté individuelle, qui justifient à la fois qu'il refuse de renverser, dans Planned Parenthood v. Casey (1992), la jusriprudence Roe v. Wade (1973) qui garantit un droit à l'avortement protégé par le XIVe amendement ET qu'il estime que le droit de posséder des bazookas est garanti par le second amendement.
La seule possibilité pour un revirement même partiel de Heller et McDonald serait que le chief justice Roberts, qui s'est montré habile politicien en juin dernier lors de l'arrêt sur l'Obamacare, change d'avis. Ou bien que l'un des juges conservateurs (Scalia et Kennedy ont 76 ans) prenne sa retraite (on y croit vachement) ou meure (ce qu'on ne saurait souhaiter) de manière à permettre à Obama à nommer un juge un peu progressiste. Il peut le faire, il a une large majorité au Sénat, même s'il n'a aucun intérêt à nommer un dangereux gauchiste.
Honnêtement, je vois mal Antonin Scalia (qui est complètement cinglé, il faut bien le dire), Samuel "Not true" Alito ou Clarence Thomas revenir sur leurs positions. Anthony Kennedy, qui passe pour un modéré, est celui dont on peut le moins espérer qu'il change d'avis, pour des raisons qui tiennent à ses idées un peu bizarres en matière de liberté individuelle, qui justifient à la fois qu'il refuse de renverser, dans Planned Parenthood v. Casey (1992), la jusriprudence Roe v. Wade (1973) qui garantit un droit à l'avortement protégé par le XIVe amendement ET qu'il estime que le droit de posséder des bazookas est garanti par le second amendement.
La seule possibilité pour un revirement même partiel de Heller et McDonald serait que le chief justice Roberts, qui s'est montré habile politicien en juin dernier lors de l'arrêt sur l'Obamacare, change d'avis. Ou bien que l'un des juges conservateurs (Scalia et Kennedy ont 76 ans) prenne sa retraite (on y croit vachement) ou meure (ce qu'on ne saurait souhaiter) de manière à permettre à Obama à nommer un juge un peu progressiste. Il peut le faire, il a une large majorité au Sénat, même s'il n'a aucun intérêt à nommer un dangereux gauchiste.
dimanche 4 novembre 2012
Racisme anti-blancs : ma vie est un enfer
Il faut reconnaître qu'il n'est pas facile d'être Blanc en France. Mon expérience le prouve:
- En dépit de mes tentatives pour défranciser mon nom, je n'ai jamais obtenu d'entretien d'embauche. Joindre une photo à mon CV était décidément une mauvaise idée.
- Le contrôle au faciès est tout simplement insupportable. Je ne peux faire trois pas dans la rue sans faire l'objet d'un contrôle d'identité.
- Je ne réussis jamais à entrer en boîte de nuit alors que mes copains noirs et arabes entrent sans problèmes, et s'éclatent toute la nuit.
- Dans mon entreprise, alors que je suis plus qualifié que les autres, je ne fais jamais l'objet d'une promotion.
....
De qui se fout-on ?
lundi 29 octobre 2012
Derechef, sur un sujet d'actualité...
Il se trouve que la question du "mariage gay" fait l'objet d'une actualité brûlante en France et aux Etats-Unis. Plusieurs juges fédéraux ont invalidé la section 3 du DOMA Act de 1996, qui interdit aux instances fédérales d'ouvrir aux couples homosexuels mariés les mêmes droits que les couples hétérosexuels (en matière fiscale, notamment). -- Aux Etats-Unis, la plupart des règles du droit de la famille sont du ressort des Etats, et le gouvernement fédéral ne peut interdire purement et simplement l'ouverture du mariage aux couples homosexuels, mais seulement les priver des avantages dont ils pourraient jouir, du fait de leur situation matrimoniale, au plan fédéral.
En France... bon, inutile de rappeler le contexte...
jeudi 25 octobre 2012
Réflexions sur "papa-maman"
Je ne veux pas prendre position sur le fond du débat (encore que j'y sois obligé), simplement relever un point problématique dans le discours des opposants à la fameuse "homoparentalité". On nous dit qu'un enfant a besoin d'avoir un papa et une maman. Donc, si je comprends bien, les cas suivants ne sont pas acceptables :
- un enfant perd son papa (ou sa maman); il n'a donc plus son papa ET sa maman. Il faut donc l'arracher des mains du conjoint survivant, car être élevé par son seul papa (ou sa seule maman) est délétère pour son développement.
- un(e) célibataire adopte un enfant, ou recourt à une banque de sperme, etc. Idem ?
- le père biologique décide de ne pas reconnaître l'enfant, et la maman l'élève seule. Idem ?
- papa et maman se séparent, parce que papa (ou maman) décide vivre avec une personne du même sexe. L'enfant doit-il être interdit de passer du temps avec lui (ou elle) ?
Et ainsi de suite. En réalité, ce qui sous-tend le discours du papa-maman, c'est non pas l'idée qu'il est essentiel à un enfant d'avoir un papa et une maman, mais qu'il soit essentiel à l'enfant de savoir que papa (ou maman) sont bien hétérosexuels ! Le problème n'est pas qu'un enfant ait deux papas ou deux mamans, mais que papa aime les hommes (ou maman aime les femmes) ! Autrement dit, sous prétexte de protéger le développement de l'enfant, on ne fait que supposer qu'il partage ses propres préjugés. Or, si l'enfant peut souffrir de ce que son papa aime les hommes, c'est uniquement en raison des préjugés qui ont encore cours dans la société. C'est par conséquent ceux qui prétendent défendre le bien-être de l'enfant qui contribuent à lui faire du tort.
Un des arguments développés contre "l'homoparentalité" pointe que, par définition, l'un des deux "parents" n'est pas le père ou la mère biologique. Mais alors, faut-il interdire l'adoption ? L'accouchement sous X ? De même, dans les familles recomposées (suite, par exemple, au décès de l'un des parents), il arrive très fréquemment que celui qui exerce, de fait, l'autorité parentale ne soit pas le géniteur biologique de l'enfant. Bref, tout ceci repose sur l'idée que la famille (comme entité juridique et, d'ailleurs, comme entité morale) se ramène au seul lien biologique. On sait, au moins depuis le droit romain, qu'il n'en va pas ainsi.
Il existe des familles "homoparentales". C'est un fait. Que l'autre géniteur biologique soit ou non présent dans la vie de l'enfant est quelque chose de purement contingent, et dépend des situations particulières, de même qu'un enfant adopté par une famille "hétéroparentale"peut ou non connaître ses parents biologiques, et de même qu'en cas de famille recomposée, l'enfant peut (ou non) connaître l'un de ses géniteurs biologiques. Qu'un enfant ait besoin d'être entouré par des personnes des deux sexes, c'est sans doute quelque chose d'indéniable. Mais ce n'est pas parce que quelqu'un est homosexuel qu'il ne fréquente aucune personne du sexe opposé ! Un enfant élevé par des lesbiennes ne vit pas dans un gynécée permanent : il a des grands-pères, des oncles, des cousins. Ses mamans ont des amis, des collègues, des voisins. Et ainsi de suite.
Dès lors il y a deux manières pour le droit d'envisager une situation de fait telle que les familles homoparentales : 1° soit on considère que c'est quelque chose qui est foncièrement de nature à nuire à l'intérêt de l'enfant, et alors il faut le pénaliser. Soit un retour en arrière de cent ans, et cela alors qu'à notre époque les orientations sexuelles ne supportent plus d'être rigidifiées en étiquettes immuables. S'il est interdit aux homosexuels d'avoir des enfants, comment va-t-on déterminer qu'un individu est homosexuel ? On va s'introduire dans les chambres à coucher ? 2° soit le droit accompagne l'évolution de la société : il y a des familles à deux papas ou deux mamans qui ont besoin d'un cadre juridique (en matière d'autorité parentale, de successions, etc.). C'est non seulement l'hypothèse la plus souhaitable moralement et politiquement, mais c'est également la plus réaliste et la moins coûteuse.
- un enfant perd son papa (ou sa maman); il n'a donc plus son papa ET sa maman. Il faut donc l'arracher des mains du conjoint survivant, car être élevé par son seul papa (ou sa seule maman) est délétère pour son développement.
- un(e) célibataire adopte un enfant, ou recourt à une banque de sperme, etc. Idem ?
- le père biologique décide de ne pas reconnaître l'enfant, et la maman l'élève seule. Idem ?
- papa et maman se séparent, parce que papa (ou maman) décide vivre avec une personne du même sexe. L'enfant doit-il être interdit de passer du temps avec lui (ou elle) ?
Et ainsi de suite. En réalité, ce qui sous-tend le discours du papa-maman, c'est non pas l'idée qu'il est essentiel à un enfant d'avoir un papa et une maman, mais qu'il soit essentiel à l'enfant de savoir que papa (ou maman) sont bien hétérosexuels ! Le problème n'est pas qu'un enfant ait deux papas ou deux mamans, mais que papa aime les hommes (ou maman aime les femmes) ! Autrement dit, sous prétexte de protéger le développement de l'enfant, on ne fait que supposer qu'il partage ses propres préjugés. Or, si l'enfant peut souffrir de ce que son papa aime les hommes, c'est uniquement en raison des préjugés qui ont encore cours dans la société. C'est par conséquent ceux qui prétendent défendre le bien-être de l'enfant qui contribuent à lui faire du tort.
Un des arguments développés contre "l'homoparentalité" pointe que, par définition, l'un des deux "parents" n'est pas le père ou la mère biologique. Mais alors, faut-il interdire l'adoption ? L'accouchement sous X ? De même, dans les familles recomposées (suite, par exemple, au décès de l'un des parents), il arrive très fréquemment que celui qui exerce, de fait, l'autorité parentale ne soit pas le géniteur biologique de l'enfant. Bref, tout ceci repose sur l'idée que la famille (comme entité juridique et, d'ailleurs, comme entité morale) se ramène au seul lien biologique. On sait, au moins depuis le droit romain, qu'il n'en va pas ainsi.
Il existe des familles "homoparentales". C'est un fait. Que l'autre géniteur biologique soit ou non présent dans la vie de l'enfant est quelque chose de purement contingent, et dépend des situations particulières, de même qu'un enfant adopté par une famille "hétéroparentale"peut ou non connaître ses parents biologiques, et de même qu'en cas de famille recomposée, l'enfant peut (ou non) connaître l'un de ses géniteurs biologiques. Qu'un enfant ait besoin d'être entouré par des personnes des deux sexes, c'est sans doute quelque chose d'indéniable. Mais ce n'est pas parce que quelqu'un est homosexuel qu'il ne fréquente aucune personne du sexe opposé ! Un enfant élevé par des lesbiennes ne vit pas dans un gynécée permanent : il a des grands-pères, des oncles, des cousins. Ses mamans ont des amis, des collègues, des voisins. Et ainsi de suite.
Dès lors il y a deux manières pour le droit d'envisager une situation de fait telle que les familles homoparentales : 1° soit on considère que c'est quelque chose qui est foncièrement de nature à nuire à l'intérêt de l'enfant, et alors il faut le pénaliser. Soit un retour en arrière de cent ans, et cela alors qu'à notre époque les orientations sexuelles ne supportent plus d'être rigidifiées en étiquettes immuables. S'il est interdit aux homosexuels d'avoir des enfants, comment va-t-on déterminer qu'un individu est homosexuel ? On va s'introduire dans les chambres à coucher ? 2° soit le droit accompagne l'évolution de la société : il y a des familles à deux papas ou deux mamans qui ont besoin d'un cadre juridique (en matière d'autorité parentale, de successions, etc.). C'est non seulement l'hypothèse la plus souhaitable moralement et politiquement, mais c'est également la plus réaliste et la moins coûteuse.
jeudi 28 juin 2012
Philosophons avec Nadine Morano
Nadine Morano, telle Monsieur Jourdain, fait de la philosophie sans le savoir. Elle nous a ainsi offert deux magnifiques exemples d'implicature gricéenne.
Obamacare: l'insoutenable suspense
L'arrêt de la Cour suprême américaine concernant la réforme du système de santé portée par le président Obama était attendu lundi dernier; on l'annonce ce jeudi 28. Dans l'attente, il n'est pas interdit d'avoir un peu d'humour, comme Jack Balkin ici. (NB. Il ne s'agit pas d'une vraie info. C'est une *blague*)
Anticipant sur la décision prévisible de censure, vu la composition de la Cour et la tournure des débats, Obama lui-même avait plaisanté au dîner des correspondants de presse en avril dernier: évoquant, à la manière des Républicains, son "agenda secret" pour son deuxième mandat, il avait conclu:
In my first term, we passed health care reform; in my second term, I guess I'll pass it again.
Anticipant sur la décision prévisible de censure, vu la composition de la Cour et la tournure des débats, Obama lui-même avait plaisanté au dîner des correspondants de presse en avril dernier: évoquant, à la manière des Républicains, son "agenda secret" pour son deuxième mandat, il avait conclu:
In my first term, we passed health care reform; in my second term, I guess I'll pass it again.
mardi 26 juin 2012
Le président peut-il réviser la constitution? A-t-il tous les pouvoirs ?
Deux brèves réflexions au sortir de la "séquence électorale"(sic) qui s'est achevée récemment
1° Ah, c'est horrible, la gauche a tous les pouvoirs! Evidemment, cette antienne répétée par la droite (et reprise en une du Monde, tiens donc) est absurde : non seulement la gauche ne contrôle pas l'ensemble des départements et des communes de France (!), mais les collectivités locales et le pouvoir national ne représentent pas des pouvoirs du même type, qui pourraient se faire contrepoids par un jeu de checks and balances! Elire une Assemblée de droite n'aurait pas permis d'opérer un rééquilibrage dans les régions! Bref, de la rhétorique creuse, à la limite de la stupidité. Au niveau national, la droite a eu à maintes reprises le contrôle de l'Assemblée et du Sénat, et on n'en a pas fait un drame.
2° Rien à voir, mais assez agaçant quand même. On nous répète que le président a (donc) tous les pouvoirs, sauf celui de réviser la constitution faute d'avoir la majorité qualifiée des trois cinquièmes au congrès. Euh, pardon ? Je ne suis pas un constitutionnaliste aguerri, mais j'ai fait un tout petit peu de droit constitutionnel. Reprenons donc : article 89, alinéa 2 :
Le projet ou la proposition de révision doit être examiné dans les conditions de délai fixées au troisième alinéa de l'article 42 et voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.
1° Ah, c'est horrible, la gauche a tous les pouvoirs! Evidemment, cette antienne répétée par la droite (et reprise en une du Monde, tiens donc) est absurde : non seulement la gauche ne contrôle pas l'ensemble des départements et des communes de France (!), mais les collectivités locales et le pouvoir national ne représentent pas des pouvoirs du même type, qui pourraient se faire contrepoids par un jeu de checks and balances! Elire une Assemblée de droite n'aurait pas permis d'opérer un rééquilibrage dans les régions! Bref, de la rhétorique creuse, à la limite de la stupidité. Au niveau national, la droite a eu à maintes reprises le contrôle de l'Assemblée et du Sénat, et on n'en a pas fait un drame.
2° Rien à voir, mais assez agaçant quand même. On nous répète que le président a (donc) tous les pouvoirs, sauf celui de réviser la constitution faute d'avoir la majorité qualifiée des trois cinquièmes au congrès. Euh, pardon ? Je ne suis pas un constitutionnaliste aguerri, mais j'ai fait un tout petit peu de droit constitutionnel. Reprenons donc : article 89, alinéa 2 :
Le projet ou la proposition de révision doit être examiné dans les conditions de délai fixées au troisième alinéa de l'article 42 et voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.
Certes cette procédure n'a été retenue qu'une seule fois, en 2000, lors du passage au quinquennat. Dans tous les autres cas de révision constitutionnelle (sauf en 1962, où le président de la République a révisé la Constitution par la voie de l'article 11, ce qui était pour le moins tangent), c'est en effet la procédure prévue par l'alinea 3 de l'article 89 (réunion du Congrès à Versailles, majorité qualifiée des 3/5es) qui a été mise en oeuvre. Mais à ma connaissance (limitée, certes), rien n'empêche le président de faire adopter par les deux chambres -- où il dispose de la majorité -- un texte identique et de le soumettre par la suite au référendum. Le seul obstacle serait sans nul doute la fort taux d'abstention prévisible lors de ce genre de scrutins.
vendredi 15 juin 2012
Sur un arrêt un peu étrange de la cour de cassation
La Cour de cassation vient de rendre un arrêt très attendu concernant la capacité du président de la République à se constituer partie civile. (Il faut regarder la discussion du quatrième moyen. Pour info, "M. Y" est Nicolas Sarkozy). Sa réponse est positive: elle n'a donc pas suivi les recommandations de l'avocat général qui proposait de suspendre l'action civile engagée par le Président jusqu'à la fin du mandat présidentiel.
Il ne s'agit pas ici du "statut pénal" du chef de l'Etat, mais plutôt de son "statut civil"(si j'ose dire) c'est-à-dire de sa capacité à ester en justice. La Cour de cassation n'y voit aucun problème. A mon avis l'argument retenu par l'avocat général, fondé sur la théorie des apparences de la CEDH, n'est pas le bon (à savoir que le président nommant, même sur avis conforme du CSM, les magistrat, il n'y avait pas l'apparence d'un procès équitable).
L'argument qu'il aurait fallu soulever n'est pas l'égalité des armes à l'occasion de tel ou tel procès, mais l'égalité des armes tout court entre le président et n'importe quel justiciable. Alors que le président peut engager des actions civiles contre n'importe qui, la réciproque n'est pas vraie. C'est-à-dire que, toute considération pénale mise à part, si vous estimez que le Président vous a causé un préjudice au sens de l'art. 1382 du Code civil, vous ne pouvez lui demander réparation si les actes ont été commis durant son mandat -- et s'ils ont été commis antérieurement, la procédure et suspendue. Le chef de l'Etat peut à tout instant engager un action civile à votre encontre ou se constituer partie civile à l'occasion d'une procédure pénale vous concernant.
Si l'irresponsabilité et l'inviolabilité pénales du Président peuvent se justifier (il est difficile de présider depuis la prison de la Santé), il n'en va pas de même pour son "immunité civile" (payer des dommages et intérêts à quelqu'un dont on a embouti la voiture ne me semble pas si incompatible avec la dignité de la fonction présidentielle). De deux choses l'une : soit le président peut ester en justice, et alors il n'y aucune raison pour qu'il ne puisse être l'objet d'une action civile; soit on le déclare inviolable et irresponsable en matière civile, mais alors il n'y a aucune raison pour qu'il puisse jouir d'un droit qui est dénié à l'ensemble de ses concitoyens.
La Cour de cassation a choisi de maintenir vivace ce déséquilibre. L'actuel président de la République a indiqué sa volonté de réviser l'article 67 de la Constitution (good luck to him!) ; s'il le fait, il faudra également se pencher sur cette question.
Il ne s'agit pas ici du "statut pénal" du chef de l'Etat, mais plutôt de son "statut civil"(si j'ose dire) c'est-à-dire de sa capacité à ester en justice. La Cour de cassation n'y voit aucun problème. A mon avis l'argument retenu par l'avocat général, fondé sur la théorie des apparences de la CEDH, n'est pas le bon (à savoir que le président nommant, même sur avis conforme du CSM, les magistrat, il n'y avait pas l'apparence d'un procès équitable).
L'argument qu'il aurait fallu soulever n'est pas l'égalité des armes à l'occasion de tel ou tel procès, mais l'égalité des armes tout court entre le président et n'importe quel justiciable. Alors que le président peut engager des actions civiles contre n'importe qui, la réciproque n'est pas vraie. C'est-à-dire que, toute considération pénale mise à part, si vous estimez que le Président vous a causé un préjudice au sens de l'art. 1382 du Code civil, vous ne pouvez lui demander réparation si les actes ont été commis durant son mandat -- et s'ils ont été commis antérieurement, la procédure et suspendue. Le chef de l'Etat peut à tout instant engager un action civile à votre encontre ou se constituer partie civile à l'occasion d'une procédure pénale vous concernant.
Si l'irresponsabilité et l'inviolabilité pénales du Président peuvent se justifier (il est difficile de présider depuis la prison de la Santé), il n'en va pas de même pour son "immunité civile" (payer des dommages et intérêts à quelqu'un dont on a embouti la voiture ne me semble pas si incompatible avec la dignité de la fonction présidentielle). De deux choses l'une : soit le président peut ester en justice, et alors il n'y aucune raison pour qu'il ne puisse être l'objet d'une action civile; soit on le déclare inviolable et irresponsable en matière civile, mais alors il n'y a aucune raison pour qu'il puisse jouir d'un droit qui est dénié à l'ensemble de ses concitoyens.
La Cour de cassation a choisi de maintenir vivace ce déséquilibre. L'actuel président de la République a indiqué sa volonté de réviser l'article 67 de la Constitution (good luck to him!) ; s'il le fait, il faudra également se pencher sur cette question.
samedi 28 avril 2012
J'aimerais qu'on m'explique
Résumons: un policier tire sur un individu, l'individu meurt, les premiers éléments de l'enquête montrent que la balle a atteint ledit individu dans le dos, mise en examen pour homicide volontaire (qui ne préjuge d'ailleurs pas de la qualification finale opérée par le juge), bronca, soutien prudent ou outrancier (c'est selon) des candidats à la présidentielle aux policiers en colère, sans parler évidemment de la présomption d'innocence, qui serait bafouée (?). Sur ce dernier point, il convient de rappeler qu'une mise en examen n'est pas une condamnation, et que ledit policier est toujours présumé innocent.
Plusieurs points requièrent notre intérêt, et, à vrai dire, notre perplexité.
mercredi 4 avril 2012
Mieux vaut voir ça qu'être aveugle
Je sais bien que la période pré-électorale est propice aux conneries, mais l'initiative de "Philosophie Magazine" est à ma connaissance jusqu'ici inégalée.
Je n'ai pas poussé le vice jusqu'à acheter un numéro, mais le descriptif du dossier spécial Hobbes/Rousseau donne déjà une bonne idée du contenu.
Je n'ai pas poussé le vice jusqu'à acheter un numéro, mais le descriptif du dossier spécial Hobbes/Rousseau donne déjà une bonne idée du contenu.
mardi 27 mars 2012
Pour une section de contraventionnologie au CNU
La communauté universitaire est en émoi après que le ministère a annoncé la création d'une section "Criminologie" au CNU. Chose rare, le commission permanente du CNU a elle-même publiquement fait part de sa désapprobation.
J'aurais quelques suggestions à formuler aux universités qui souhaiteraient, pour accompagner le mouvement, créer des chaires, voire des départements, de criminologie. Par exemple une chaire Alphonse Bertillon d'anthropométrie et types criminels prognathes et négroïdes serait tout à fait bienvenue; ainsi, bien entendu, qu'une chaire Cesare Lombroso de taxinomie raciale et d'atavisme évolutif; à tout seigneur tout honneur, ne doutons pas que la chaire Alain Bauer de biométrie comparée sera avidement convoitée.
Enfin la rigueur scientifique exigerait que les masters de criminologie comportent plusieurs champs de spécialisation: ainsi, la contraventionnologie et la délictologie sont des matières trop souvent négligées (en particulier la contraventiondegrandevoiriologie). La génocidologie, en revanche, est promise à un bel avenir: j'irais jusqu'à suggérer l'acquisition du crâne d'Adolf Hitler ou de Pol Pot, afin de déterminer si leur profil orthogonathe ou fronto-nasal est pour quelque chose dans leur penchant pour l'extermination de leurs contemporains.
jeudi 22 mars 2012
Colloque sur Normes et Institutions à Nanterre et à la Sorbonne
Les 2 et 3 avril prochain se tiendra à l'Université Paris-Ouest Nanterre et à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne un colloque organisé par Caterina Gabrielli et Thomas Boccon-Gibod sur "Normes et Institutions", auquel votre serviteur a l'honneur de participer. Programme complet ici. Les débats risquent d'être d'autant plus intéressants qu'ils feront dialoguer des juristes (particulièrement des spécialistes de droit de la régulation), des théoriciens du droit et des philosophes.
mercredi 14 mars 2012
Colloque sur le droit entre théorie et critique
Un important colloque international se tiendra les 23 et 24 mars à Sciences Po et à Paris 1 sur les approches critiques du droit (notamment, mais pas exclusivement, en droit international). La liste des invités est monstrueusement impressionnante: Duncan Kennedy, David Kennedy, Michel Rosenfeld, Andrew Arato, Nathaniel Berman, Véronique Munoz-Dardé, et j'en passe.
Programme complet ici.
Programme complet ici.
mardi 31 janvier 2012
Colloque sur la liberté à Paris II
Vous avez sans doute déjà entendu parler du colloque international qui se tiendra le mardi 7 février à l'Université Paris II sur les "Aspects philosophiques et juridiques de la notion de liberté". Le colloque est organisé par l'Institut Michel Villey, en coproduction avec Philosophies contemporaines/NoSoPhi (Paris 1) et Logiques de l'agir (U. de Franche-Comté). Plus d'informations ici.
vendredi 27 janvier 2012
Question sur la "Natural-born-citizen clause" de la Constitution américaine
Ma femme m'a posé l'autre jour la question suivante: "Supposons qu'un citoyen américain (ou une citoyenne américaine) ambassadeur ou diplomate en poste dans un pays étranger, ait, avec son épouse (ou son époux), également citoyen des Etats-Unis, un enfant. Supposons ensuite que cet enfant soit né dans les murs de l'ambassade, et pas dans un quelconque hôpital du pays hôte. Supposons enfin que ledit enfant, ayant résidé plus de quatorze ans aux Etats-Unis, se décide, après son trente-cinquième anniversaire, de se présenter à l'élection présidentielle. Est-il éligible?"
Je n'ai pas vraiment su quoi répondre. Pourquoi ?
Je n'ai pas vraiment su quoi répondre. Pourquoi ?
Brèves réflexions sur la laïcité
Je suis désolé de le dire d'aussi vive manière, mais on dit depuis quelque temps beaucoup de conneries au sujet de la laïcité, et plus particulièrement sur la loi de séparation de 1905. Sans prendre position sur la nécessité (ou non) de constitutionnaliser cette loi, j'aimerais rappeler qu'elle ne concerne qu'un aspect très limité de la laïcité : elle ne porte que sur le principe de neutralité religieuse de l'Etat, qui, de ce fait, "ne reconnaît, salarie ou subventionne aucun culte". Pour le dire clairement, la question du voile, intégral ou non, n'a rien à voir avec la loi de 1905. La question de savoir s'il est possible ou non d'affirmer (ostensiblement ou non) ses convictions religieuses dans l'espace public (y compris dans les établissements publics) ne relève pas de la loi de 1905. Je rappelle d'ailleurs que celle-ci, en son article premier, prévoit que "la République assure la liberté de conscience".
En revanche, il est vrai que l'esprit de la loi de 1905 (en particulier de non-subvention des cultes) est quelque peu mis à mal par l'ensemble des outils juridiques (type baux emphytéotiques administratifs cultuels) qui permettent aux personnes publiques (au premier chef aux collectivités territoriales) de financer indirectement la construction de mosquées. Mais si on considère que l'Etat ou les communes, propriétaires des murs de la plupart des Eglises de France d'avant 1905, les mettent gratuitement à disposition des associations cultuelles (art. 13 de la loi), on peut affirmer que l'Eglise catholique jouit sur les autres religions d'un indéniable avantage. Une manière d'envisager des BEA conformes à l'esprit de 1905 serait, éventuellement, de relever les loyers. On pourrait aussi envisager -- mais est-ce faisable? juristes, éclairez-moi -- de mettre les églises qui sont désaffectées et dont des personnes publiques sont propriétaires à la disposition d'associations cultuelles musulmanes.
Quant au problème du Concordat de 1801 (qui est posé incidemment par la proposition du candidat socialiste), il est important. L'un des dangers de la constitutionnalisation de la loi de 1905 reviendrait à constitutionnaliser par la même occasion l'exception pour l'Alsace et la Moselle. C'est un peu pervers, quand on y pense.
samedi 7 janvier 2012
Ca va saigner
Deux articles que j'ai mentionnés précédemment font l'objet de débats (plus ou moins) houleux au sein de la littérature juridique américaine.
L'article d'A. Koppelman, vigoureuse défense de la constitutionnalité de la réforme de santé d'Obama, a reçu une réponse acerbe de Gary Lawson et David Kopel, Bad News for Professor Koppelman: The Incidental Unconstitutionality of the Individual Mandate (Yale Law Journal Online, vol. 121, 2011), à quoi le professeur Koppelman a déjà prévu de répondre dans une livraison à venir du YLJO(je dois cette information à l'excellent blog de Larry Solum). Vous trouverez une version de la réponse de Koppelman ici.
L'excellent article d'Oona Hathaway et de Scott Shapiro fait l'objet d'une réponse de Joshua Kleinfeld, "Enforcement and the Concept of Law" (YLJO, même volume). Il s'agit moins d'une attaque que d'une tentative de clarification de certains points essentiels, qui est bienvenue.
jeudi 5 janvier 2012
Atelier autour de Luhmann à Nanterre
Un atelier consacré à la pensée de Niklas Luhmann se tient ce vendredi 6 janvier à Nanterre. Il s'agit d'une coproduction Phico/Nosophi et Sophiapol. Plus d'informations ici.
Conférence de Philip Kitcher à l'IHPST
A signaler, la venue du philosophe britannique des sciences Philip Kitcher (professeur à l'Université Columbia) à l'IHSPT, rue du Four, le mercredi 1er février à 16h. Plus d'informations ici.
Conférence de Bruce Ackerman à l'ENS
Jean Baccelli m'informe de ce que le grand constitutionnaliste américain Bruce Ackerman (professeur à l'Université de Yale, auteur immortel de We, The People) est de passage à l'ENS de la rue d'Ulm ce jeudi 12 janvier à 18h. Plus d'informations ici.
mardi 3 janvier 2012
Réponse de Ruwen Ogien à un précédent post
Ruwen Ogien a eu la gentillesse de m'envoyer une réponse au commentaire que j'ai fait de son article de Libé dans un précédent post de ce blog. Je la reproduis avec son autorisation :
Merci d'avoir pris la peine de me lire et d'avoir écrit des choses si éclairantes.
Je suis d'accord avec vous sur tous les points que vous soulevez. Il y a des formulations malheureuses dans cette intervention, inspirée d'un texte plus long et plus complet écrit pour Ravages, il y a quelques mois (Ravages 6, septembre 2011).
Vous avez raison de dire que l'argument utilitariste n'est pas celui qui fût le plus "utilisé" dans le débat. Dans le papier de Ravages, je rappelais, comme vous le faites, l'argument moral de la dignité, dont j'essayais de montrer les limites. Mais c'est l'argument utilitariste que je voulais mettre en avant , précisément parce qu'il n'apparaît jamais clairement comme tel dans le débat public, alors qu'il joue à mon avis un rôle permanent.
Et vous avez raison, bien sûr, d'écrire que c'est la loi qui fixe qui est innocent au sens légal, ce qui fait que si le projet est adopté, le client ne le sera plus.
Ce que je voulais dire, en faisant tourner tout mon papier autour de l'expérience de pensée de Nozick sur la foule déchaînée, c'est que transformer un innocent en coupable non pas en vertu de la nature de l'acte (qui continue d'être ambigu, puisque que seul l'achat du service serait pénalisé, la vente restant "libre" dans certaines limites) mais pour des raisons d'utilité générale, demande une justification beaucoup plus solide que celle qui a été donnée jusqu'à présent par ceux qui ont défendu le projet.
Et le "droit fondamental" auquel je fais allusion, dans l'esprit de l'examen de Nozick, est exactement celui de ne pas être transformé en coupable indépendamment de la nature de l'acte, pour des raisons d'utilité générale seulement. On peut accoler d'autres adjectifs que "fondamental" à ce droit, ou parler d'autres choses que d'un droit, par ailleurs, mais ce sont des questions compliquées que j'ai préféré laisser en suspens!
Je suis d'accord avec vous sur tous les points que vous soulevez. Il y a des formulations malheureuses dans cette intervention, inspirée d'un texte plus long et plus complet écrit pour Ravages, il y a quelques mois (Ravages 6, septembre 2011).
Vous avez raison de dire que l'argument utilitariste n'est pas celui qui fût le plus "utilisé" dans le débat. Dans le papier de Ravages, je rappelais, comme vous le faites, l'argument moral de la dignité, dont j'essayais de montrer les limites. Mais c'est l'argument utilitariste que je voulais mettre en avant , précisément parce qu'il n'apparaît jamais clairement comme tel dans le débat public, alors qu'il joue à mon avis un rôle permanent.
Et vous avez raison, bien sûr, d'écrire que c'est la loi qui fixe qui est innocent au sens légal, ce qui fait que si le projet est adopté, le client ne le sera plus.
Ce que je voulais dire, en faisant tourner tout mon papier autour de l'expérience de pensée de Nozick sur la foule déchaînée, c'est que transformer un innocent en coupable non pas en vertu de la nature de l'acte (qui continue d'être ambigu, puisque que seul l'achat du service serait pénalisé, la vente restant "libre" dans certaines limites) mais pour des raisons d'utilité générale, demande une justification beaucoup plus solide que celle qui a été donnée jusqu'à présent par ceux qui ont défendu le projet.
Et le "droit fondamental" auquel je fais allusion, dans l'esprit de l'examen de Nozick, est exactement celui de ne pas être transformé en coupable indépendamment de la nature de l'acte, pour des raisons d'utilité générale seulement. On peut accoler d'autres adjectifs que "fondamental" à ce droit, ou parler d'autres choses que d'un droit, par ailleurs, mais ce sont des questions compliquées que j'ai préféré laisser en suspens!
dimanche 1 janvier 2012
Quelques QPC intéressantes
2012 s'annonce riche en questions
prioritaires de constitutionnalité. (Gouvernement des juges, quand tu nous
tiens!). En voici deux qui promettent de belles tribunes dans les pages
"Rebonds" (ou "Débats") de vos quotidiens favoris.
Gouvernement des juges, encore et toujours...
La Cour suprême américaine a ordonné en novembre dernier le review de l'arrêt de la Cour d'appel fédérale pour le 11e circuit, qui avait déclaré inconstitutionnelles les clauses les plus emblématiques de la réforme du système de santé arrachée en 2010 par le Président Obama. La Cour devrait rendre sa décision à la mi-2012, ce qui ne manquera pas de pimenter la campagne électorale.
Entretemps, une nouvelle polémique a éclaté quant à l'impartialité de deux juges suprêmes, qui ont refusé de se déporter: l'un (Clarence Thomas) dont la femme fait partie d'un groupe d'activistes contre la loi, l'autre (Elena Kagan) qui a sans doute participé à l'élaboration de certains de ses aspects lorsqu'elle était Sollicitor General (le quatrième poste le plus important du ministère de la justice, chargé de représenter l'Union devant les juridictions fédérales). Il a fallu rien de moins qu'une intervention du Chief Justice Roberts pour couper court à la polémique. J'aurais tendance à penser que l'un étant manifestement contre, l'autre pour la loi, leur éventuelle partialité (je dis bien "éventuelle", hein) aurait tendance à s'annuler; en tout cas la délibération risque d'être haute en couleurs!
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