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vendredi 15 juin 2012

Sur un arrêt un peu étrange de la cour de cassation

La Cour de cassation vient de rendre un arrêt très attendu concernant la capacité du président de la République à se constituer partie civile. (Il faut regarder la discussion du quatrième moyen. Pour info, "M. Y" est Nicolas Sarkozy). Sa réponse est positive: elle n'a donc pas suivi les recommandations de l'avocat général qui proposait de suspendre l'action civile engagée par le Président jusqu'à la fin du mandat présidentiel.
Il ne s'agit pas ici du "statut pénal" du chef de l'Etat, mais plutôt de son "statut civil"(si j'ose dire) c'est-à-dire de sa capacité à ester en justice. La Cour de cassation n'y voit aucun problème. A mon avis l'argument retenu par l'avocat général, fondé sur la théorie des apparences de la CEDH, n'est pas le bon (à savoir que le président nommant, même sur avis conforme du CSM, les magistrat, il n'y avait pas l'apparence d'un procès équitable).
L'argument qu'il aurait fallu soulever n'est pas l'égalité des armes à l'occasion de tel ou tel procès, mais l'égalité des armes tout court entre le président et n'importe quel justiciable. Alors que le président peut engager des actions civiles contre n'importe qui, la réciproque n'est pas vraie. C'est-à-dire que, toute considération pénale mise à part, si vous estimez que le Président vous a causé un préjudice au sens de l'art. 1382 du Code civil, vous ne pouvez lui demander réparation si les actes ont été commis durant son  mandat -- et s'ils ont été commis antérieurement, la procédure et suspendue. Le chef de l'Etat peut à tout instant engager un action civile à votre encontre ou se constituer partie civile à l'occasion d'une procédure pénale vous concernant.

Si l'irresponsabilité et l'inviolabilité pénales du Président peuvent se justifier (il est difficile de présider depuis la prison de la Santé), il n'en va pas de même pour son "immunité civile" (payer des dommages et intérêts à quelqu'un dont on a embouti la voiture ne me semble pas si incompatible avec la dignité de la fonction présidentielle). De deux choses l'une : soit le président peut ester en justice, et alors il n'y aucune raison pour qu'il ne puisse être l'objet d'une action civile; soit on le déclare inviolable et irresponsable en matière civile, mais alors il n'y a aucune raison pour qu'il puisse jouir d'un droit qui est dénié à l'ensemble de ses concitoyens.

La Cour de cassation a choisi de maintenir vivace ce déséquilibre. L'actuel président de la République a indiqué sa volonté de réviser l'article 67 de la Constitution (good luck to him!) ; s'il le fait, il faudra également se pencher sur cette question.

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