2012 s'annonce riche en questions
prioritaires de constitutionnalité. (Gouvernement des juges, quand tu nous
tiens!). En voici deux qui promettent de belles tribunes dans les pages
"Rebonds" (ou "Débats") de vos quotidiens favoris.
La QPC 2011-217, renvoyée par la Cour de cassation le 23
novembre dernier, va amener le Conseil à statuer sur la conformité à la
Constitution de l'article L 621-1 du Code de l'entrée et du séjour des
étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Ce charmant article crée un délit
d'entrée et de séjour irrégulier, sanctionné par une peine d'emprisonnement
d'un an et une amende de 3750 euros. Est-il contraire au principe
constitutionnel de proportionnalité des peines ? Il est à noter que cet article
a déjà fait l'objet d'une question préjudicielle à la Cour de Justice de
l'Union Européenne, qui a rendu en décembre dernier un arrêt très ambigu: saisie de
la question de savoir si l'article L 621-1 est conforme à la directive "retour" 2008/115/CE du 16 décembre 2008
(directive scélérate, par ailleurs), la Cour botte quelque peu en touche, en
notant que la directive ne porte que sur les mesures d'éloignement et pas sur
les conditions de séjour. Elle est ensuite amenée à effectuer un raisonnement
assez subtil: la directive porte sur l'éloignement; ce faisant, elle fixe un
objectif d'éloignement des étrangers en situation irrégulière; envoyer ces
derniers en prison revient au contraire à les maintenir sur le territoire (!);
par conséquent on ne saurait interpréter la directive comme autorisant à
frapper le séjour irrégulier de sanctions pénales. (Attention cependant, il
s'agit d'un renvoi préjudiciel, c'est-à-dire d'un recours en interprétation, et
non pas d'un contrôle effectif de conformité d'une législation nationale à la
réglementation européenne; l'arrêt de la CJUE n'invalide donc pas l'article L
621-1). Il va sans dire que cette interprétation n'a en fin de compte rien de
rassurant pour les défenseurs des étrangers, puisqu'elle consacre un principe
du "ne pas emprisonner pour mieux expulser". En tout cas, il ne faut
pas trop attendre de la décision du Conseil constitutionnel, puisque la QPC ne
porte que sur le caractère nécessaire (et proportionné) de la peine, et non pas
sur la création d'un délit de séjour irrégulier.
La QPC 2011-223, renvoyée par le Conseil d'Etat le 23 décembre
dernier, qui porte sur l'article 706-88-2 du Code de Procédure pénale. Il
s'agit d'une énième affaire portant sur la garde à vue, mais cum grano salis.
Suite à diverses condamnations de la France par la Cour européenne des droits
de l'homme (voir arrêt Brusco de 2010), la loi du 14 avril 2011 a instauré la
possibilité pour toute personne placée en garde à vue d'être assistée d'un
avocat pendant toute la durée de la garde à vue. L'article 706-88-2 du CPP
apporte une restriction à ce droit dès lors que le gardé à vue est soupçonné de
crime de terrorisme, auquel cas l'avocat peut être être choisi d'office (par le
juge des libertés ou, le cas échéant, le juge d'instruction, sur recommandation
du bâtonnier) au sein d'une liste dressée par le Conseil national des barreaux,
et non pas librement choisi par le gardé à vue. S'agit-il d'une atteinte à
l'exercice des droits de la défense, principe fondamental reconnu par les lois
de la République ?
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