jeudi 29 décembre 2011
Mort de Michael Dummett
Michael Dummett est mort le 27 décembre à l'âge de 86 ans. Voir la nécro du Guardian.
lundi 26 décembre 2011
Quelques articles récents dignes d'intérêt
Si les questions de contrôle de constitutionnalité vous intéressent, et que vous n'êtes pas rebutés par la technicité, lisez donc l'article récent de Jamal Greene, "The Anticanon", Harvard Law Review, 125/2, dec. 2011, qui porte sur les décisions repoussoirs (Plessy v. Ferguson, Lochner, Korematsu) de la Cour suprême américaine. Une étude qui se fonde sur des résultats empiriques très solides, et sur une critique très fine de la notion d'erreur en matière de décision juridictionnelle.
Autre article important (de teneur plus théorique) de Oona Hathaway et Scott J. Shapiro, "Outcasting: Enforcement in Domestic and International Law", The Yale Law Journal, 121/2, nov. 2011. Une reprise énergique de l'éternelle antienne sur la juridicité supposée et/ou problématique du droit international (public), que les auteurs fondent autour de la notion d'outcasting (bannissement, exclusison) qui est d'ailleurs pertinente pour la compréhension des droits internes. Passionnant, et un complément de choix pour le récent ouvrage de Shapiro, Legality (Harvard UP, 2011).
Article de théorie générale du droit, fondé sur une interprétation très constructive (et très contestable) de la pensée de H.L.A Hart et de Joseph Raz, signé Mark J. Bennett, "Hart and Raz on the Non-Instrumental Moral Value of the Rule of Law: A Reconsideration", Law and Philosophy, 30/5, sep. 2011. Une version plus ancienne est toujours disponible sur SSRN. En gros, il s'agit de démontrer que, malgré que ces deux auteurs (majeurs et justement célébrés) en aient, ils adoptent une vision des fins morales du droit très proche de celle de Lon Fuller (dont la controverse avec Hart sur ce sujet est demeurée célèbre). J'avoue que l'analyse déjà classique de Frederick Schauer me convainc plus (voir entre autres un excellent article de 2008).
Puisque je parle de Law and Philosophy, je ne puis m'empêcher de vous renvoyer vers un ensemble d'articles un peu plus anciens (juillet 2011) consacrés aux travaux de Brian Leiter sur les Réalistes américains et la "naturalisation" de la théorie du droit. Le numéro est coordonné par Kenneth Himma.
De Brian Leiter, voir également l'article dans Legal Theory en 2010, "Legal Formalism and Legal Realism" : un dépassement des clichés sur le réalisme américain bienvenu et décapant.
Bonne lecture!
jeudi 22 décembre 2011
Retour sur la dignité
Sur le gouvernement des juges, ou De la tarte à la crème...(III)
III. Légitimité
Cela nous amène aux questions sur la légitimité
démocratique du « gouvernement des juges ». Ou plutôt :
lorsqu’on parle de gouvernement des juges, on suppose que les juges
outrepassent leurs pouvoirs, que l’office du juge n’est pas de gouverner,
autrement dit que le contrôle de constitutionnalité n’est pas légitime, dans la
mesure où cela amène les juges à faire de la politique, à prendre position sur
des questions qui ne concernent que le peuple souverain et qui seraient sans
doute mieux résolues par ses représentants que par une bande de juges non élus,
et, dans certains cas (balayons devant notre porte), nommés de façon opaque, et dotés de compétences
juridiques douteuses.
Sur le gouvernement des juges, ou De la tarte à la crème... (II)
II. Pouvoir normatif négatif et autosaisine.
Je vais ici me fonder sur les analyses très éclairantes de
Michel Troper sur le gouvernement des juges (je retiens, parmi divers textes
qui se recoupent tous plus ou moins, le chapitre 15 de LA théorie du droit, le droit,
l’Etat, intitulé « Le bon usage des
spectres »). Pourquoi Troper est-il intéressant ? Tout d’abord parce
que c’est une analyse originale du concept ; ensuite parce que Troper,
dans sa théorie réaliste de l’interprétation, part du principe que les juges
sont, en tant qu’interprètes, toujours dotés d’un pouvoir discrétionnaire
par définition. Le gouvernement des juges, selon Troper, devrait toujours être
soit un truisme soit une absurdité.
Sur le gouvernement des juges, ou De la tarte à la crème considérée comme un des beaux-arts. (I)
Lorsque la chancelière allemande a proposé de soumettre les
budgets des Etats au contrôle de la Cour de Justice, on a immédiatement parlé
de gouvernement des juges. (Regardez donc, ici, ici, ou encore ici).
Le gouvernement des juges est, pour reprendre le mot de
Michel Troper, un spectre, que l’on agite ça et là dans des contextes variés, à
des fins diverses, et toujours un peu à tort et à travers. Dans le discours
médiatique, on parle de gouvernement des juges à chaque fois qu’un juge rend
une décision qui ne nous plaît pas. Par exemple, on s’offusquera de ce qu’un juge
condamne des policiers ayant forgé un faux dans le but de démontrer la
culpabilité d’un prévenu, et, au motif que le verdict ne plaît pas au Président
de la République, on parlera volontiers de gouvernement des juges. Si
« gouvernement des juges » veut dire cela, alors cela ne veut
strictement rien dire, si ce n’est, en gros, que l’on n’aime pas que les juges
aient davantage de respect pour le droit que pour les intentions post- ou
pré-électorales des membres de la majorité au pouvoir. Si cette notion a
un sens, alors il faut la prendre en un sens plus restreint.
C’est en effet principalement à l’occasion du contrôle de
constitutionnalité des lois par le juge, qu’il s’agisse du juge ordinaire
(comme c’est le cas dans le modèle diffus de contrôle de constitutionnalité à
l’américaine) ou d’une juridiction spécialisée, que les débats classiques et
contemporains ont lieu.
lundi 12 décembre 2011
Ogien sur la pénalisation des clients
Ruwen Ogien a écrit un article très intéressant dans le Libé de vendredi dernier sur le projet de pénalisation des clients (cf. précédente note). Je suis by and large d'accord avec lui, même si j'ai des doutes sur l'argumentation choisie.
En effet, 1° Ogien critique la pénalisation du client au motif qu'actuellement le droit ne le punit pas, ce qui reviendrait à sanctionner quelqu'un qui "n'a commis aucun délit tant qu'il respecte certaines limites imposées par la loi" (interdiction de l'esclavage sexuel, du proxénétisme, de la prostitution des mineurs, des incapables, des malades mentaux, et ainsi de suite) ; 2° il fait jouer, contre "l'utilitarisme naïf" des promoteurs de cette proposition de loi, les "droits fondamentaux" des individus impliqués.
Quelques remarques sur cette stratégie.
En effet, 1° Ogien critique la pénalisation du client au motif qu'actuellement le droit ne le punit pas, ce qui reviendrait à sanctionner quelqu'un qui "n'a commis aucun délit tant qu'il respecte certaines limites imposées par la loi" (interdiction de l'esclavage sexuel, du proxénétisme, de la prostitution des mineurs, des incapables, des malades mentaux, et ainsi de suite) ; 2° il fait jouer, contre "l'utilitarisme naïf" des promoteurs de cette proposition de loi, les "droits fondamentaux" des individus impliqués.
Quelques remarques sur cette stratégie.
vendredi 9 décembre 2011
Actualités
Pour ceux qui auraient le masochisme d'être intéressés par ma prose, je signale la prochaine parution d'un article dans la revue en ligne Klesis.
mercredi 7 décembre 2011
D'une abolition l'autre
Le parlement a voté hier une résolution
rappelant l’attachement de la France à une politique abolitionniste en matière
de prostitution. On dit qu’une proposition de loi visant à pénaliser les
clients est également à l’ordre du jour.
Sur ce genre de questions, on a, comme souvent, deux positions qui
s’affrontent : d’un côté, les défenseurs de la dignité humaine (et de la
femme en particulier) ; de l’autre les adversaires d’une forme larvée de
paternalisme qui reviendrait à dicter leurs choix et leur conduite à des
prostituées pourtant majeures et consentantes -- et qui parfois, comble de
l’horreur ! aiment leur métier. Les anti-paternalistes ont généralement
l’habitude de se voir rétorquer que le « choix » de se prostituer est
soumis à des effets de détermination et de domination sociale, économique,
etc., de sorte que l’on ne choisit jamais vraiment de se prostituer. Ce à quoi
les anti-paternalistes répliquent que cette position a ceci de contradictoire
qu’elle joint à une forme d’absolutisme moral une sorte de relativisme
auto-réfutatif : en gros votre condamnation de la prostitution répond à
autant de déterminismes socio-économiques que le choix effectué par certaines
femmes de se prostituer ; autant donc laisser chacun faire ce qu’il veut. On a donc deux positions : d’un côté la dénonciation de la servitude volontaire ; de l’autre celle
d’un paternalisme absolutisant.
Bienvenue
Bienvenue sur ce blog. N'hésitez pas à m'inonder de commentaires désobligeants à chaque fois que je dis une connerie.
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