Le Conseil constitutionnel a donc rendu hier, vendredi 14 avril, deux décisions très attendues: la décision 2023-849 DC sur la Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (LFRSS) et la décision 2023-4 RIP sur la Proposition de loi, transmise le 20 mars au Conseil par la présidente de l'Assemblée nationale visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans. Il y aurait beaucoup à dire sur la première décision, mais c'est la deuxième qui va nous intéresser ici. Le Conseil constitutionnel a en effet rendu une décision de non-conformité, mettant ainsi fin au processus qui aurait pu conduire, après une période de 9 mois destinée à recueillir le soutien 1/10e du corps électoral, à une adoption par le Parlement ou, à défaut de l'examen par chacune de ses chambres du texte au cours des 6 mois suivant la fin de la période de recueil des soutiens, à une adoption par référendum.
Comme on le sait, les parlementaires de gauche, anticipant une telle décision, ont déposé, au Sénat, une deuxième proposition de loi RIP, différente de la première. On peut se demander, pourtant, si ce "RIP 2" n'est pas tout autant condamné à l'échec que le "RIP 1". Je n'ai bien sûr aucune certitude et les décisions d'hier ont montré que bien fol est celui qui prétend prédire avec certitude les décisions du Conseil constitutionnel. Il s'agira donc uniquement de quelques éléments de réflexion à la lumière de la décision 2023-4 RIP rendue hier.
Une "réforme"
Le Conseil constitutionnel a jugé hier que la proposition de loi RIP 1 ne constituait pas une "réforme" au sens de l'article 11 de la Constitution. Qu'est-ce à dire?
L'article 11, al. 3 de la Constitution dispose:
Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an.
"L'objet mentionné au premier alinéa" de l'art. 11 peut être de multiples sortes, mais nous retiendra ici l'objet qui était celui de la proposition de loi (selon ses auteurs); une "réforme relative à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation". La proposition de loi RIP 1 comportait en effet un article unique ainsi rédigé:
L’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite mentionné au premier alinéa de l’article L. 351‑1 du code de la sécurité sociale, à l’article L. 732‑18 du code rural et de la pêche maritime, au 1° du I de l’article L. 24 et au 1° de l’article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne peut être fixé au‑delà de soixante‑deux ans.
Saisi d'une telle proposition de loi doit, en vertu du de l'article 45-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, article introduit par la loi organique du 6 décembre 2013, effectuer un certain nombre de vérifications:
Le Conseil constitutionnel vérifie, dans le délai d'un mois à compter de la transmission de la proposition de loi :
(...)
2° Que son objet respecte les conditions posées aux troisième et sixième alinéas de l'article 11 de la Constitution, les délais qui y sont mentionnés étant calculés à la date d'enregistrement de la saisine par le Conseil constitutionnel ;
3° Et qu'aucune disposition de la proposition de loi n'est contraire à la Constitution.
Je reviendrai plus loin sur certains aspects de cette procédure. Ici, le Conseil a, en application du 2° de cet article, vérifié que la proposition de loi portait bien sur une "réforme de la politique sociale de la nation". Qu'elle porte sur la politique sociale ne faisait aucun doute. En revanche, comme l'affirmait le gouvernement dans ses observations, la proposition de loi RIP ne modifiait pas à la date de la saisine (ni même à la date de la décision, j'y reviendrai) l'état actuel du droit. Et pour cause! la LFRSS n'avait, à cette date, été promulguée (elle l'a été hier soir) et donc l'âge légal de départ à la retraite était bien, en vertu des dispositions alors contenues des le Code de la sécurité sociale, de 62 ans. Le RIP1 ne faisait donc que "réaffirmer" l'état actuel du droit, et ne le modifiait pas. Le gouvernement, dans ses observations, s'était placé sur le terrain de l'absence de valeur normative de loi, et il n'a pas été suivi sur ce point. En revanche il soulignait que ce RIP ne constituait pas davantage une "réforme" au sens de l'article 11, puisqu'une réforme suppose un changement du droit. Le Conseil a fait droit à cet argument:
7. A la date à laquelle le Conseil constitutionnel a été saisi de cette proposition de loi, l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale prévoit que l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite mentionné à ces mêmes dispositions est fixé à soixante-deux ans.
8. Ainsi, à la date d’enregistrement de la saisine, la proposition de loi visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans n’emporte pas de changement de l’état du droit. (...)
10. Dès lors, elle ne porte pas, au sens de l’article 11 de la Constitution, sur une « réforme » relative à la politique sociale.
Cette décision est intéressante à plusieurs titres. Elle invite notamment à remettre sur le métier les interrogations soulevées par la précédente décision 2022-3 RIP, dont j'avais soutenue qu'elle devait être comprise comme limitée à la matière fiscale: d'après le Commentaire (car le raisonnement tenu dans la décision est implicite, voir cryptique), le Conseil constitutionnel aurait en effet jugé que pour être une "réforme" relative à la politique économique de la Nation, une mesure fiscale devait comporter une réforme d'ampleur de la structure de la fiscalité. On pouvait se demander si cela était propre à la matière fiscale ou bien si toute "réforme" au sens de l'article 11 devait être une modification d'ampleur de l'état du droit. Dans la décision d'hier, le Conseil n'a pas indiqué que pour être une réforme, une proposition de loi RIP devait entraîner des modifications structurelles ou ambitieuses du droit (en l'espèce du droit social); il a uniquement indiqué qu'elle devait entraîner... une modification du droit. Cependant il est tout à fait possible qu'il faille tenir un argument a fortiori: si une réforme est une modification d'ampleur, alors a fortiori une proposition qui ne modifie rien n'est pas une réforme. Mais c'est le cas, alors tout RIP en matière économique, sociale et environnementale est, dans la pratique impossible, dès lors que toute inconstitutionnalité même mineure entraîne la censure totale de la proposition RIP (voir infra notamment la note (4)). C'est pourquoi j'estime probable que 2022-3 RIP soit limité à la matière fiscale, même si le Commentaire est ambigu sur ce point: mais le Commentaire n'est pas la décision, et la décision 2022-3 RIP est au mieux laconique au pire cryptique sur ce point. De surcroît, le Conseil n'avait pas retenu une telle notion "robuste" de réforme dans sa décision 2019-1 RIP. Mais je peux me tromper.
Cette décision 2023-4 RIP emporte plusieurs conséquences potentiellement dommageables pour la proposition de loi RIP 2 dont il a été saisi le 13 avril et sur laquelle il rendra sa décision le 3 mai.
Un "catch-22"
C'est la deuxième fois, après la loi PACTE en 2019, qu'une proposition de loi RIP est déposée pour faire échec à une disposition législative en cours d'adoption au Parlement. En 2019, dans sa décision 2019-1 RIP, le Conseil constitutionnel avait laissé passer la proposition de loi RIP érigeant Aéroports de Paris en service public national, ouvrant la voie au recueil de soutiens. (J'avais d'ailleurs soutenu à l'époque (1) que le RIP ne changerait dans les faits rien à l'état du droit relatif à la participation de l'Etat au capital d'ADP, mais j'étais minoritaire en doctrine.) Dans sa décision 2022-4 RIP ici commentée, le Conseil constitutionnel met un frein certain à la possibilité pour les parlementaires de s'opposer par un RIP à une loi qu'ils ne parviennent pas à faire échouer au Parlement.
En effet, l'article 11 al. 3 de la Constitution dispose qu'une proposition de loi RIP ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an. Le 2° de l'article 45-2 de l'ordonnance de 1958 précitée indique que cette condition s'apprécie à la date de l'enregistrement de la saisine du Conseil. De ce point de vue les propositions RIP 1 (retoquée hier) et 2 sont "dans les clous", car, on l'a vu, la LFRSS n'avait pas été promulguée à la date d'enregistrement de la saisine.
La proposition de loi RIP doit donc intervenir avant la promulgation de loi qui modifie, de manière néfaste selon les auteurs de la proposition, l'état du droit: or dès lors que la loi qui modifie l'état du droit n'a pas été promulguée, la proposition de loi RIP ne peut espérer revenir dessus (2) qu'en réaffirmant l'état du droit en vigueur à la date du dépôt de la proposition de loi et de la saisine subséquente du Conseil constitutionnel. Mais si c'est le cas, alors la proposition de loi n'est pas conforme à l'article 45-2 de l'ordonnance et à l'article 11 de la Constitution, puisqu'elle ne comporte pas une réforme ! Pile tu gagnes, face je perds.
C'est ce qu'on appelle en bon français un "catch-22", un dilemme dont on ne peut s'extraire, en raison de la codépendance de règles contradictoires. La seule manière d'en sortir est à la fois de modifier le droit en vigueur à la date de la saisine et de contredire la loi en cours d'adoption ou même déjà adoptée mais non encore promulguée à laquelle on souhaite faire échec. Par exemple les auteurs de la proposition auraient pu reporter l'âge légal de la retraite à 62 ans et 1 mois: c'est purement formel, c'est assez bête, mais cela aurait sans doute été une "réforme" au sens de l'article 11 de la Constitution....
Et le "RIP 2"?
La deuxième proposition RIP (ci-après "RIP 2") transmise au Conseil constitutionnel le 13 avril comporte deux articles. L'article 1er modifie l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale (ce que curieusement ne faisait pas le RIP1, qui reprenait très largement la formulation de cet article qui est celui qui fixe juridiquement l'âge légal, mais ne le modifiait pas formellement), mais reprend peu ou prou la formulation de l'article unique du RIP 1:
L’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 161-17-2. – L’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite mentionné au premier alinéa de l’article L. 351-1 du présent code, à l’article L. 732-18 du code rural et de la pêche maritime, au 1° du I de l’article L. 24 et au 1° de l’article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne peut être supérieur à soixante-deux ans. »
Comme M. David Libeau me l'a fait remarquer sur Twitter (qu'il soit remercié), la proposition de loi RIP 2 ampute largement une partie de l'article L. 161-17-2 du Code de la sécurité sociale. Il pourrait donc s'agir d'une modification du droit – sous réserve bien sûr que le Conseil n'envisage pas la "réforme" comme étant nécessairement d'ampleur comme le suggère le Commentaire de la décision 2022-3 RIP, v. supra. Si le Conseil interprète l'article 1 comme modifiant l'état du droit, alors il est probable que, toutes choses égales par ailleurs, il laisse passer la proposition de loi RIP 2, indépendamment même de son article 2.
Cependant, il faut voir que les dispositions de cet article que le RIP2 entend supprimer n'avaient déjà plus d'objet puisqu'elles concernaient l'âge légal de départ à la retraite des personnes nées avant 1955, qui ont de toute manière dépassé cet âge! Donc le Conseil pourrait juger que les dispositions modifiées par le RIP2 étant sans objet, celui-ci ne modifie pas véritablement l'état du droit: même si, contrairement au RIP 1, il modifie la formulation d'un texte (ici un article du Code de la sécurité sociale), il n'en altère pas la substance normative. Par ailleurs comme le Conseil constitutionnel l'a rappelé dans sa décision d'hier, la limite ("ne peut être supérieur") n'a pas de valeur normative dès lors que le législateur (même possiblement référendaire) ne saurait (auto-)limiter le législateur.
C'est sans doute pourquoi les parlementaires ont inséré dans le texte du RIP2 un deuxième article, qui modifie le taux de la CSG pour certaines catégories de revenus. Il fait peu de doute que, du moins si on suit la lecture de la notion de réforme proposée plus haut, ce deuxième article constitue bien une "réforme" (3).
Si donc le Conseil décide que les deux articles modifient l'état du droit, alors il est probable qu'il laissera passer le RIP 2. En revanche s'il estime que seul l'article 2 modifie l'état du droit, se pose la question est la suivante: une proposition de loi RIP dont seule une partie des dispositions (ici l'article 2) constitue une "réforme" constitue-t-elle elle-même une réforme? Je n'ai pas de réponse. Quelques éléments néanmoins.
a. A priori une décision de non-conformité partielle n'est guère possible en RIP. En effet, lorsqu'il vérifie sur le fondement du 3° de l'article 45-2 de l'ordonnance précitée, "qu'aucune disposition de la proposition de loi n'est contraire à la Constitution", la moindre inconstitutionnalité entraîne une décision de non-conformité totale. J'en ai expliqué les raisons sur Twitter ici, après que le Conseil, dans sa décision 2021-2 RIP, avait fait échec à une proposition de loi fort longue en raison d'une seule inconstitutionnalité (4). C'est seulement en effet si cette condition ("aucune disposition contraire à la Constitution") est – avec les autres conditions fixées par cet article, v. supra – satisfaite que le processus de recueil des soutiens peut commencer. Donc une seule disposition inconstitutionnelle et le processus RIP s'arrête.
Rien ne fait obstacle à ce ce raisonnement, portant sur le 3° de l'article 45-2, soit applicable au 2° qui nous intéresse seul ici, c'est-à-dire à la vérification de la conformité de l'objet de la réforme à l'article 11 de la Constitution. On peut donc difficilement envisager que le Conseil "censure" l'article 1er du RIP 2 comme ne constituant pas une "réforme" et laisse se poursuivre un processus référendaire concernant une modification du taux de la CSG pour certaines catégories de revenus (question qui, du reste, n'intéresse personne ou presque !).
b. Il y aura donc probablement pas de censure partielle sur le fondement du 2° de l'article 45-2. Le Conseil devra juger si la proposition dans son ensemble constitue une réforme. Si le Conseil constitutionnel avait décidé, pour en juger, de se placer à la date de sa décision, comme rien ne le lui interdisait (5), alors il n'y aurait pas de problème: le 3 mai, à la date où il jugera, l'article 1er du RIP 2 aura bien pour objet de modifier l'état du droit puisque la LFRSS a été promulguée hier. Or le Conseil a décidé hier de se placer à la date de la saisine ce qui renforce singulièrement le "catch-22" mentionné ci-dessus. En effet à la date de la saisine, la LFRSS n'avait pas été promulguée, et l'article 1er RIP n'avait donc pas pour objet de modifier le droit en vigueur.
c. Le Conseil pourrait certes juger que dès lors qu'à la date de la saisine, une disposition de la proposition de loi RIP 2 constitue une réforme, l'ensemble du texte l'est. C'est ce qu'espèrent bien sûr les auteurs de la proposition. Je n'ai pas de réponse définitive mais j'ai un doute. En effet, le Conseil constitutionnel en vertu du 2° de l'art. 45-2 précité vérifie que l'objet de la proposition de loi est conforme à l'article 11 de la Constitution. Or supposons une proposition de loi RIP qui comporterait non seulement des éléments appartenant au domaine référendaire, mais également des éléments étrangers au domaine du référendum (portant par exemple sur le mariage pour tous, ou la fin de vie). Dès lors qu'une "censure partielle" du texte est impossible ou en tout cas peu probable (voir le a. ci-dessus), il serait logique que le Conseil constitutionnel ne laisse pas passer une telle proposition de loi. La question est donc: tiendra-t-il sur le caractère de "réforme" ou non un raisonnement analogue à celui qu'il tiendrait très vraisemblablement sur l'appartenance de la proposition au domaine matériel du référendum (organisation des pouvoirs publics, politique économique, sociale etc. de la Nation, etc.)?
Certes, étant donné le climat social et politique extrêmement dégradé, le Conseil pourrait décider de "lâcher du lest" et de laisser passer le RIP2 comme un lot de consolation pour les opposants à la réforme qu'il a très largement validée hier. Mais c'est là une appréciation politique. D'un point de vue purement juridique, il me semble que le Conseil s'est compliqué la tâche en appréciant le caractère de "réforme" à la date de la saisine et non à la date de sa "décision". Il pourra certes dire que les deux articles changent le droit et que l'ensemble de la proposition RIP 2 est une réforme. Dans l'alternative (plus probable) il devra répondre à la question de savoir si une proposition de loi RIP qui comprend une disposition qui ne constitue pas une "réforme", constitue elle-même une "réforme" au sens de l'article 11 de la Constitution. Et s'il reprend et étend l'interprétation "robuste" de la "réforme" comme modification structurelle d'ampleur (comme le fait le Commentaire de la décision 2022-3 RIP), all bets are off.
Que fera-t-il ? C'est l'avenir qui nous le dira. Rendez-vous le 3 mai.
Remerciements : Je remercie M. David Libeau et @NCBFIFA pour leurs observations sur Twitter sur une précédente version de ce texte, que j'ai modifié en conséquence.
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(1) M. Carpentier, "Aéroports de Paris: l'illusoire invocation du service public national", AJDA, 2019.
(2) On objectera que ni le RIP 1 ni le RIP 2 n'ont pour objet d'abroger les dispositions introduite par la LFRSS dans le Code de la sécurité sociale et d'autres codes, mais uniquement de les modifier. Cette distinction est à mon avis peu opérante, car la modification d'une norme s'interprète comme son abrogation pro tanto et son remplacement par une nouvelle norme. Du reste, le droit administratif traite l'abrogation et la modification des actes de manière équivalente (v. par ex. l'art. L243-1 CRPA).
(3) Cependant, s'agissant de dispositions relatives à des prélèvements obligatoires, un raisonnement analogue à celui de 2022-3 RIP mentionné plus haut pourrait être tenu quant au caractère "relatif à la politique sociale". Même si je n'imagine guère que le Conseil constitutionnel aille sur ce terrain, il pourrait décider qu'il ne s'agit pas d'une modification suffisamment importante et structurelle de la fiscalité sociale pour être une "réforme" relative à la politique sociale de la Nation. C'est ce qu'envisage Agnès Roblot Troizier dans un billet sur le blog du Club des juristes (https://blog.leclubdesjuristes.com/reforme-des-retraites-pourquoi-le-conseil-constitutionnel-a-t-il-rejete-la-demande-de-referendum-dinitiative-partagee-par-agnes-roblot-troizier/) – Par ailleurs, si le Conseil décide d'étendre la notion robuste de réforme issue de 2022-3 RIP à l'ensemble de la matière économique, sociale et environnementale, alors la proposition RIP 2 échouera de toute façon, privant d'objet la plupart des réflexions menées dans ce billet...
(4) Ce point constitue d'ailleurs un autre "catch-22" vu l'exigence de réforme fiscale d'ampleur qui, selon le Commentaire officiel, est issue de la décision 2022-3 RIP: plus une proposition de loi est longue, plus il y a de chance pour qu'une de ses dispositions soient inconstitutionnelles; mais plus elle est brève, plus il est probable que les mesures fiscales qu'elle comprend ne constituent pas une réforme structurelle apte à être une "réforme" relative à la politique économique de la Nation. Si, contrairement à ce que j'affirme, cette interprétation "robuste" de la réforme s'applique au delà de la matière fiscale, alors concrètement cela rend tout RIP relatif à la politique économique, sociale et environnementale de la Nation pratiquement impossible.
(5) Le 2° de l'art. 45-2 de l'ordonnance du 7 nov. 1958 indique, on l'a vu que les délais mentionnés aux alinéas 3 et 6 de l'article 11 de la Constitution se calculent à la date de la saisine: il s'agit 1/ du délai d'un an minimum (alinéa 3) séparant la proposition de la promulgation de la disposition législative qu'elle vise à abroger et 2/ du délai de deux ans séparant la proposition de la date du rejet par le peuple français d'une précédente proposition RIP. La règle posée au 2° de l'article 45-2 est sans incidence sur la date à laquelle le Conseil doit se placer pour apprécier le caractère de "réforme" de la proposition, date qui n'est mentionnée ni à l'alinéa 3 ni à l'alinéa 6 de l'article 11 de la Constitution. De ce point de vue, rien ne s'opposait à ce que le Conseil se plaçât à la date de la décision.